Histoires
Anonyme, Personne étudiante au doctorat
Université

Les défis du parcours scolaire
Pendant ma maîtrise, j’ai acquis un handicap qui a bouleversé ma vie et qui a nécessité un congé de maladie de quatre ans. Les symptômes de ce traumatisme persistent encore aujourd’hui. J’éprouve notamment de la douleur chronique, de la fatigue chronique et une déficience auditive, en plus de vivre avec une maladie chronique. Je compte sur les technologies d’assistance pour m’adonner à mes activités quotidiennes. En fonction de la tâche à accomplir, mon niveau d’énergie peut fluctuer, c’est pourquoi je dois allouer du temps à certaines activités. L’obtention de mesures d’adaptation nécessaires pour l’accessibilité s’est avérée être une tâche exigeante en soi. Les établissements exigent des documents médicaux détaillés pour que je puisse bénéficier de mesures d’adaptation de base, telles que des prolongations. Ce processus m’a semblé inutilement rigide. Les établissements citaient des préoccupations relatives à l’intégrité scolaire pour justifier leur hésitation à fournir un soutien. Les obstacles que j’ai vécus pour obtenir les mesures d’adaptation nécessaires ont révélé la stigmatisation systémique générale associée au handicap dans le monde universitaire. La représentation des personnes handicapées devrait être abordée dans une optique progressiste qui célèbre la diversité, mais elle est souvent abordée avec mépris en nous réduisant à de simples cases à cocher sur une liste de contrôle d’acceptation de la diversité. Cette réalité était particulièrement évidente dans le processus de demande de subvention, où l’on m’a demandé d’écrire sur ma vie en tant que personne handicapée. Au lieu de me sentir capable de raconter mon expérience, j’ai eu l’impression de jouer à un jeu où la gravité de mes difficultés déterminait mes chances de recevoir un financement pour les ressources nécessaires. Malheureusement, cette marchandisation des expériences est une réalité courante pour bien des personnes handicapées, ce qui perpétue des stéréotypes néfastes et nous marginalise encore plus.
Accès aux ressources pédagogiques numériques
L’accès aux ressources d’apprentissage numériques est devenu nécessaire pour ma scolarisation, en particulier pendant la pandémie et en raison de mes problèmes de santé. Le passage à l’apprentissage en ligne est devenu ma bouée de sauvetage. Il m’a permis de poursuivre mes études malgré les limitations. Les technologies, comme les dispositifs de transcription en direct et les plateformes de communication virtuelle, sont devenues des outils essentiels pour accéder au contenu d’apprentissage. La navigation sur les plateformes numériques a présenté son lot de défis, ce qui met en évidence le fait que les normes d’accessibilité ont toujours besoin d’être améliorées. Malgré ces progrès, la fracture numérique persiste pour bien des personnes handicapées, ce qui accentue encore les inégalités en matière de scolarisation. Le fait de dépendre des ressources numériques souligne l’importance de veiller à ce que ces ressources soient inclusives et accessibles à toute la population étudiante, quelles que soient les capacités de chaque personne. Les établissements d’enseignement doivent prioriser la formation du personnel enseignant et du personnel de sorte à utiliser efficacement ces outils et répondre aux divers besoins d’apprentissage.
Attitudes et perceptions sociales
Il semble y avoir un seuil ou une perception de ce qui fait qu’une personne est handicapée. D’après mon expérience, si j’apparais « trop valide », j’ai moins de chances de recevoir un soutien, ce qui m’oblige à défendre mes intérêts. Ce que les gens ne réalisent pas, c’est que mon handicap n’est pas toujours visible. Certains jours, j’ai l’impression de « fonctionner » comme une personne « valide ». Ces jours-là, ce n’est pas que mon handicap est disparu, mais plutôt que je masque mes symptômes. La notion sociale omniprésente de « passer » pour une personne valide ajoute une autre couche de complexité à mes expériences. Il m’arrive parfois d’avoir l’impression de cacher mon handicap pour éviter de me faire juger ou discriminer. Ce constant jeu d’équilibre entre divulguer ou dissimuler mes handicaps, en fonction de la situation, peut être émotionnellement drainant et contribuer à un sentiment d’isolement. En passant par la complexité des perceptions sociales du handicap au sentiment d’affirmation que provoque la possibilité de raconter mon histoire de manière anonyme, je trouve du réconfort dans la liberté de m’exprimer de manière authentique sans avoir peur d’être identifiable. Cela donne un sentiment d’émancipation et d’autonomisation dans le discours sur la sensibilisation au handicap. Bien que mon histoire soit racontée de manière anonyme aujourd’hui, j’encourage les autres personnes handicapées à le faire de la manière qui leur convient le mieux. Parfois, cela se traduit par des images et des représentations physiques. Qu’on défende des causes et qu’on milite publiquement, rien n’empêche de participer en privé. Le sentiment d’identité et le bien-être sont les facteurs les plus importants lorsqu’il s’agit de raconter son histoire. Qu’on se raconte dans un récit anonyme ou comme « tête d’affiche », chaque personne a sa propre histoire et c’est tout à fait correct de faire preuve de prudence.
Efficacité des systèmes de soutien
L’efficacité des systèmes de soutien dans mon parcours universitaire a été très variable. Si certains conseillers, professeurs et établissements se sont montrés compréhensifs et conciliants, d’autres n’ont pas su m’apporter le soutien nécessaire. J’ai eu des moments où j’ai dû me battre sans relâche pour que mes besoins soient reconnus et satisfaits tout en me heurtant à de la résistance et du scepticisme à chaque étape. Ce manque de cohérence dans le soutien souligne la nécessité de mettre en place des systèmes de soutien plus normalisés et complets au sein des établissements d’enseignement. D’un autre côté, lorsque j’ai bénéficié d’un soutien adéquat, j’ai pu constater de visu l’impact transformateur qu’il peut avoir sur mon expérience universitaire. L’un de mes professeurs, qui s’identifie comme une personne aveugle, en a donné l’exemple en créant un environnement d’apprentissage inclusif où les déficiences visuelles et auditives étaient prises en compte. Son enthousiasme et sa volonté d’accorder des mesures d’adaptation sans devoir lui fournir de documents médicaux détaillés (c’est-à-dire une « preuve » de handicap) et sans obstacle administratif contrastaient fortement avec les difficultés que j’avais rencontrées ailleurs.
Suggestions pour le soutien des établissements
Je pense que les établissements d’enseignement doivent prioriser l’accessibilité et l’inclusion afin de garantir à chaque étudiante et étudiant des chances égales de réussite. Cela signifie qu’il faut éliminer les obstacles aux mesures d’adaptation et aux services de soutien, notamment en simplifiant le processus d’accès et en fournissant les ressources nécessaires aux personnes handicapées pour qu’elles puissent s’épanouir sur le plan universitaire. Il reste important de sensibiliser le corps enseignant et le personnel aux handicaps par l’éducation et la formation continue. En favorisant un environnement d’acceptation et de compréhension, les établissements peuvent créer une communauté de soutien où les étudiant·e·s handicapé·e·s se sentent valorisé·e·s et respecté·e·s. Il est important de reconnaître que les besoins de chaque personne sont uniques et que des systèmes de soutien personnalisés doivent être mis en place pour répondre à ces besoins individuels de manière efficace et en toute confiance.